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Orient 21: Comment Abou Dhabi donne un coup de main à Damas

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Le rapprochement entre les Émirats arabes unis et le régime syrien va bien au-delà de la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays. Des informations obtenues par le Comité justice et libertés pour tous révèlent l’existence d’aides à la reconstruction et de partenariats militaires et sécuritaires. Revirement géostratégique ? Pas si sûr.

Le 27 mars 2020, Mohamed Ben Zayed (MBZ) faisait connaître via un tweet qu’il avait eu un échange téléphonique avec Bachar Al-Assad, le premier depuis la rupture des relations diplomatiques entre son pays et les Émirats arabes unis (EAU) en 2012. Deux semaines plus tard, Middle East Eye révélait les termes d’un accord passé entre l’homme fort des EAU et son homologue syrien. Selon le site, MBZ aurait offert de verser 3 milliards de dollars (2,67 milliards d’euros) à Bachar Al-Assad en échange d’une reprise des combats à Idlib, province syrienne frontalière de la Turquie où règne un fragile cessez-le-feu à la suite d’un accord entre Ankara et Moscou le 6 mars 2020. L’aide financière d’Abou Dhabi, si elle se confirme, serait la bienvenue, car les économies des deux parrains du régime syrien que sont l’Iran et la Russie sont exsangues.

Washington a pourtant exercé des pressions sur ses alliés du Golfe ainsi que sur l’Égypte pour les dissuader d’emboîter le pas à Abou Dhabi et freiner le mouvement de normalisation en marche avec le régime syrien. Le Congrès américain a en effet adopté le 20 décembre 2019 la Loi César entrée en vigueur le 1er juin, qui punit de sanctions toute institution où personne faisant affaire avec Damas.

Ces pressions n’ont pas eu d’effet sur Abou Dhabi. Le 3 décembre 2019, alors que la loi était en discussion, le chargé d’affaires émirati à Damas, Abdul Hakim Al-Nuaimi se félicitait de “la solidité des liens entre les deux pays”. Cependant, les EAU n’ont pas encore nommé d’ambassadeur à Damas, se contentant d’un chargé d’affaires, sans doute pour éviter de fâcher l’allié américain.

DES AIDES CIVILES ET MILITAIRES

Dès la réouverture de son ambassade à Damas fin 2018, Abou Dhabi a, selon nos sources, fourni de l’aide médicale aux hôpitaux situés dans les zones contrôlées par le régime syrien, ainsi qu’une aide alimentaire. Une délégation émiratie s’était envolée à l’automne 2017 pour la Syrie afin de se familiariser avec la réalité du terrain et évaluer les besoins en matière de développement et de reconstruction. Selon les mêmes sources, les EAU auraient déjà financé la reconstruction de bâtiments publics, de centrales thermiques ainsi que les réseaux hydrauliques de la capitale syrienne. Les Émirats, que l’ex-secrétaire d’État à la défense de l’administration Trump et ex-conseiller militaire auprès de MBZ James Mattis, qualifiait affectueusement de “Petite Sparte”, apportent également, toujours selon les mêmes sources, une assistance militaire.

Pilote de chasse et d’hélicoptère, diplômé de l’école militaire britannique de Sandhurst, Mohamed Ben Zayed a fait de son pays le troisième importateur d’armes au monde tout en favorisant le développement d’une industrie nationale d’armement. Le pays dispose ainsi de quelques 170 entreprises qui fabriquent armes légères, missiles guidés, drones, véhicules tout terrain, navires de guerre.

Selon un diplomate britannique, l’armée émiratie est “disciplinée”, d’une grande efficacité stratégique et logistique en dépit de sa taille, et s’est très largement distinguée des forces saoudiennes [par son efficacité] dans la guerre du Yémen”. C’est fort de cette expertise que huit officiers émiratis sont venus prodiguer leurs conseils au quartier général de l’état-major de l’armée syrienne. En retour, cinq pilotes syriens sont allés se perfectionner au sein de l’académie militaire Khalifa Ben Zayed Air College (KBZAC) située à Al-Aïn, à l’ouest d’Abou Dhabi, à une date non précisée par nos sources.

DES FORMATIONS POUR LES SERVICES SECRETS

Abou Dhabi dispense également des formations techniques, scientifiques et logistiques aux cadres des services de renseignement militaires syriens. Les formations, qui ont commencé le 15 janvier 2020, durent entre deux et douze mois en fonction de leur contenu et sont dispensées par différentes structures réparties sur l’ensemble des Émirats. Trente et un sous-officiers ainsi que huit ingénieurs informatiques civils sont notamment formés aux systèmes d’information et de communication, à la sécurité informatique et aux réseaux. Les stagiaires sont encadrés par quatre officiers des services de renseignement syriens, dont le colonel Zulficar Wassouf, responsable de la formation au sein des services de renseignements militaires, ainsi que le cousin du président syrien, le lieutenant-colonel Jihad Barakat.

GAGNER SUR LES DEUX TABLEAUX

La révolte syrienne a d’abord été perçue par Abou Dhabi comme une occasion de soustraire la Syrie à son puissant allié iranien, ennemi des monarchies sunnites du Golfe. D’où la bienveillance exprimée à l’égard des manifestants et l’aide financière et militaire apportée par la suite aux rebelles quand la révolution pacifique bascula dans la lutte armée. Selon l’ONG Spin Watch, la société britannique de relations publiques Quiller Consultants avait assuré, entre 2012 et 2014, la promotion et la communication de l’Armée syrienne libre (ASL) auprès de l’opinion britannique. Les frais de ces prestations avaient été alors entièrement pris en charge par l’ambassade des EAU à Londres. L’opération était encadrée par Lana Nusseibeh, une diplomate émiratie de haut rang et par le ministre d’État aux affaires étrangères, Anwar Gargash, toujours en poste.

Pourtant, durant la même période, les EAU approvisionnaient l’armée syrienne en carburant, en violation de l’embargo décrété par les États-Unis et l’Union européenne. En 2014, le département américain du Trésor annonçait l’inscription de la compagnie pétrolière émiratie Pangates International Corporation sur sa liste des entités sanctionnées. Le Trésor précisait que l’entreprise basée dans l’émirat de Sharjah était soupçonnée d’avoir livré du carburant à l’aviation militaire syrienne. La Syrie avait été, en effet, placée sous un régime de sanctions renforcées par l’Union européenne et les États-Unis dès l’été 2011, en raison de l’ampleur de la répression des manifestations alors pacifiques.

Le dispositif de sanctions prévoyait également le gel des actifs financiers de personnalités proches du régime, qui se tournèrent alors vers un autre émirat pour y abriter leurs fortunes : Dubaï. Bien que les relations diplomatiques soient officiellement rompues entre les EAU et la Syrie, l’émir de Dubaï, Cheikh Mohamed Ben Rachid Al-Maktoum ne s’opposa pas à l’installation de la sœur et de la mère du président syrien. Bushra Al-Assad emménagea en 2012 dans l’émirat, peu après l’assassinat de son mari Assef Chawkat, directeur adjoint du renseignement militaire. Ses relations avec les autorités locales étaient si bonnes qu’on lui prêta un mariage secret avec le commandant des forces de police de Dubaï, Dahi Khalfan. La rumeur se révéla infondée, mais refléta la bienveillance du patron de la police de Dubaï pour la veuve qu’il défendait, lorsque celle-ci se vit refuser un visa Schengen. Connu pour son franc-parler et son utilisation compulsive de Twitter où il compte plus de deux millions de followers, il avait décrit Bachar Al-Assad comme un “homme doté d’un grand sens moral”.

Source: Orient21