Le Parlement français enquête sur les révélations de trois ONG sur l’existence d’une « cellule de détention » des Emirats arabes unis sur le site d’une usine Total.
Des sources françaises ont souligné que depuis le début de la semaine dernière, le Parlement discutait l’exploitation d’un site gazier par une compagnie contrôlée en partie par le groupe français Total pour abriter une prison secrète utilisée par des soldats émiratis en 2017 et 2018 à Balhaf, dans le sud du Yémen, que certains parlementaires ont qualifié de « Guantanamo Emirati ».
La députée française Clémentine Etienne a exprimé sa surprise devant le refus du ministère français de la Défense de reconnaître l’existence d’une « cellule de détention » des Emirats arabes unis sur le site d’une usine Total.
Etienne a souligné que trois ONG ont publié un rapport basé sur plusieurs témoignages et sources confirmant l’existence d’un centre d’isolement cellulaire et de torture à l’intérieur du complexe de liquéfaction de gaz situé dans la région sud de Balhaf.
Le député a mis en doute dans une vidéo, publiée sur sa page Twitter, le rôle de la France dans le site en tant que partenaire dans sa capitale à 39%, et sur la position du pays qui vend des armes aux EAU.
Etienne a comparé la cellule à la prison américaine de Guantanamo à Cuba, en soulignant la nécessité pour les autorités françaises d’assumer la responsabilité de la prison en interrogeant Total.
Un site gazier exploité par une compagnie contrôlée en partie par le groupe français Total a abrité une prison secrète utilisée par des soldats émiratis en 2017 et 2018 à Balhaf, dans le sud du Yémen, affirment trois ONG dans un rapport publié ce jeudi 7 novembre.
Ce site, qui regroupe une usine de liquéfaction de gaz et un terminal d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL), a cessé ses activités en 2015 en raison de la guerre au Yémen. “Selon des sources ouvertes et des témoignages, il héberge depuis 2016 une milice -les forces d’élite de Shabwa- sous contrôle des Émirats arabes unis”, écrivent l’Observatoire des armements, SumOfUs et les Amis de la Terre.
“Ces témoignages relatent des traitements inhumains et dégradants (privation de soins, tortures) commis par des soldats émiratis”, ajoutent-ils. “Les personnes qui s’y font enfermer sont généralement accusées d’appartenir à Al-Qaida sur la péninsule arabique (AQPA)”, sur la base “souvent de soupçons sans fondement ou d’une vengeance personnelle”, poursuivent-ils.
Le site est exploité par Yemen LNG, dont Total est actionnaire à 39,6% aux côtés de la société américaine Hunt (17,2%), de sociétés coréennes (21,4%) et d’entreprises publiques yéménites (21,7%).
Selon une enquête du quotidien Le Monde parue ce jeudi 7 novembre, le lieu de détention se trouve sur une base militaire aménagée par les Emirats arabes unis à la mi-2017 sur une partie du site gazier, qui avait été réquisitionné à la demande du gouvernement yéménite.
“Des personnes étaient encore enfermées à Balhaf à la mi-2019”, affirme Le Monde, notant que la base a servi pour lancer des opérations antiterroristes dans la région, notamment en 2017.
Le groupe Total a répondu jeudi dans un communiqué qu’il “ne dispose d’aucune information spécifique quant à l’usage fait par la coalition de la partie réquisitionnée”.
“Total ne détient pas le contrôle de la société Yemen LNG et n’agit pas directement sur le site de Balhaf géré par Yemen LNG, mais indirectement en tant qu’actionnaire ou au travers de personnel détaché dans la société”, a-t-il ajouté.
Balhaf est situé sur le Golfe d’Aden dans la province de Shabwa, qui a été le théâtre de violents combats entre partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi et rebelles chiites Houthis qui se sont emparés de vastes régions du pays, dont la capitale Sanaa.
Face à la progression des Houthis, liés à l’Iran chiite, l’Arabie saoudite sunnite a pris en 2015 la tête d’une coalition de neuf pays arabes et mené une campagne de frappes aériennes contre les rebelles. Le président Hadi a fui le Yémen pour se réfugier à Ryad.
Le groupe Al-Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa) a profité de l’affaiblissement du pouvoir central pour renforcer son emprise dans le sud et le sud-est.