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« Et nous ? » : l’attribution de visas en or aux célébrités irrite les Émiraties et les bidounes

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La chanteuse libanaise Najwa Karam, le footballeur Cristiano Ronaldo, l’actrice égyptienne Nelly Karim et l’influenceur tadjik Abdu Rozik ont tous un point commun.

Oui, ils sont tous riches et célèbres. Mais ils sont également titulaires du très convoité « visa en or » émirati.

L’attrait de ce sésame pour les célébrités est clair : un permis de résidence de dix ans renouvelable dans un pays devenu une destination prisée des influenceurs. Les Émirats y voient également un moyen d’accroître leur visibilité et de renvoyer l’image d’une destination désirable.

Mais la liste croissante de personnalités qui se voient accorder ce privilège, semble-t-il uniquement en raison de leur notoriété, suscite le mécontentement de certains milieux, notamment des femmes émiraties, qui ne peuvent transmettre leur citoyenneté à leurs enfants, ainsi que des bidounes (apatrides) vivant aux Émirats.

L’inégalité est criante, déclare Sofia Kaltenbrunner, directrice de campagne à l’International Campaign for Freedom in the UAE, une organisation qui milite pour les droits de l’homme et la libération des prisonniers politiques.

« Les Émirats arabes unis sont libres d’attirer les investissements étrangers en étendant les lois sur la citoyenneté émiratie, mais ils doivent mettre fin à la discrimination flagrante dont sont victimes les femmes et les groupes apatrides », indique-t-elle à Middle East Eye.

Le visa en or tant convoité des Émirats arabes unis a été introduit en 2019, dans le cadre d’un effort visant à développer l’industrie du divertissement et à attirer les investissements aux Émirats en ciblant les investisseurs, les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, les scientifiques et les étudiants de haut niveau.

Également lancé dans le but de reconnaître les contributions culturelles des célébrités et des acteurs, le programme s’est développé au fil des ans.

Naturellement, ce visa n’est accessible qu’à un groupe très restreint d’individus. Environ 90 % de la population des Émirats arabes unis est constituée de travailleurs expatriés, qui doivent renouveler leur visa de travail tous les deux ou trois ans, un processus qui peut parfois être long et compliqué.

Un tollé sur les réseaux sociaux

Au cours des dernières semaines, le fossé entre les droits dont jouissent les célébrités et ceux accordés aux femmes, aux bidounes et aux travailleurs expatriés a fait l’objet de critiques en ligne.

Sur Twitter, l’attribution du visa à l’influenceur tadjik Abdu Rozik a suscité des centaines de commentaires : certains internautes ont dénoncé une décision injuste et réclamé une modification des lois sur la citoyenneté émiratie.

Star des réseaux sociaux, le jeune homme de 18 ans est connu pour ses apparitions dans des vidéos de rap et compte 1,3 followers sur Instagram, où il a partagé la nouvelle avec diverses autres images de lui sur des sites touristiques émiratis.

L’an dernier, le chanteur et acteur égyptien Mohamed Ramadan a annoncé sur Instagram qu’il avait obtenu ce visa, lequel lui permet de séjourner dans le pays et d’y travailler jusqu’en 2030.

Dans son post, qui a recueilli plus de 200 000 likes, il a remercié les dirigeants émiratis.

« Merci aux dirigeants de Dubaï, au cheikh Mohammed ben Rachid, que Dieu le préserve, pour ce magnifique cadeau qu’est le visa en or. Que Dieu bénisse les dirigeants et la population », a-t-il déclaré.

L’acteur indien Shahrukh Khan, l’instagrammeuse de mode d’origine canadienne Ola Farahat et la chanteuse pop libanaise Myriam Fares font également partie des dizaines de célébrités internationales qui ont reçu le visa et ont posté des remerciements élogieux en ligne par la suite.

Bien que la dissidence constitue un délit passible de prison aux Émirats arabes unis, de plus en plus de personnalités critiquent les lois en matière de citoyenneté.

Au début de l’année, la cheikha Jawaher al-Qasimi, l’épouse du dirigeant de Charjah, a pris la parole sur Twitter.

« Je réclame la naturalisation pour les enfants des citoyennes. Je réclame des emplois pour les enfants des Émirats », a-t-elle affirmé dans son post.

« Les lois sur la citoyenneté émiratie sont extrêmement discriminatoires à l’encontre des mères émiraties dont le mari est étranger », indique Sofia Kaltenbrunner à MEE.

« Ces lois sont également très discriminatoires à l’égard des bidounes, qui sont totalement privés d’accès à la nationalité émiratie, même s’ils vivent depuis longtemps aux Émirats arabes unis. De nombreux bidounes ont passé toute leur vie sur le sol émirati et beaucoup s’y trouvaient même avant la création des Émirats arabes unis en 1971. »

En vertu du droit émirati en matière de citoyenneté, les enfants d’hommes émiratis ont automatiquement droit à la citoyenneté, au contraire des enfants nés d’une mère émiratie et d’un père étranger.

Les mères émiraties ont la possibilité de demander la citoyenneté pour leurs enfants si ceux-ci vivent aux Émirats arabes unis depuis six ans, mais la procédure de demande peut prendre plusieurs années. Les enfants peuvent également la demander dès leurs 18 ans.

D’après Laura van Waas, codirectrice de l’Institute on Statelessness and Inclusion (ISI), une ONG de défense des droits de l’homme qui se consacre à la promotion du droit à la citoyenneté et des droits des apatrides, les Émirats arabes unis font partie des 25 pays au monde qui n’ont pas encore garanti aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes en matière de citoyenneté.

« Cette discrimination va à l’encontre du droit international relatif aux droits de l’homme et a des répercussions directes sur l’accès de l’enfant à d’autres droits fondamentaux ainsi que sur la famille dans son ensemble », indique-t-elle à MEE.

« Les Émirats arabes unis comptent également une population d’apatrides et des lois discriminatoires de ce type ne font qu’exacerber le problème. »

« Dissimuler » des violations

Selon Sofia Kaltenbrunner, les efforts de plus en plus importants déployés par les Émirats arabes unis pour délivrer des visas en or aux influenceurs et aux célébrités s’inscrivent dans le cadre de la campagne de relations publiques menée par le pays dans le but de présenter une image d’« État moderne, ouvert et tolérant ».

« En réalité, les Émirats arabes unis sont l’un des États les plus répressifs de la région MENA, avec environ 200 prisonniers politiques derrière les barreaux. Les autorités appliquent la déchéance de nationalité à de nombreuses familles de prisonniers pour les intimider et les réduire au silence », ajoute-t-elle.

Cela peut entraîner des conséquences dévastatrices pour les proches des détenus. Du jour au lendemain, il leur devient presque impossible de trouver un emploi, de percevoir une pension, d’accéder à l’éducation et même aux soins de santé.

Ce fut le cas de Alaa al-Siddiq, décédée en juin, qui était la fille du prisonnier politique Mohammed al-Siddiq.

Alaa a obtenu l’asile au Royaume-Uni en 2018 après avoir été chassée des Émirats arabes unis à la suite d’une campagne menée contre les dissidents en 2011-2012. Le gouvernement émirati a déchu Alaa et ses neuf frères et sœurs de leur citoyenneté en mars 2016, après la révocation de celle de son père.

S’exprimant ouvertement sur le sort des prisonniers politiques, elle était devenue directrice exécutive du groupe de défense des droits de l’homme ALQST.

Devin Kenney, chercheur spécialiste des Émirats arabes unis pour Amnesty International, estime que les visas dorés ne visent pas à dissimuler des violations, mais s’apparentent plutôt à une opportunité marketing.

« Je pense que c’est lié au désir des Émirats arabes unis de projeter une image glamour en présentant des personnalités célèbres, à succès ou attrayantes comme des Émiratis. Cela fait fondamentalement partie d’une stratégie de marque analogue à celles couramment utilisées en marketing, mais appliquée à un pays plutôt qu’à un produit ou à une entreprise », explique-t-il à MEE.

Bien que les lois émiraties en matière de citoyenneté ne s’appliquent pas aux apatrides, les bidounes se retrouvent en grande partie en dehors du cadre de la loi et ne sont protégés par les lois d’aucun État, compte tenu de leur statut.

Cela signifie que les apatrides vivant aux Émirats arabes unis sont dans l’incapacité d’enregistrer des naissances et des mariages, d’acquérir un passeport, de renouveler un permis de conduire, d’accéder aux soins de santé et à l’éducation ou même d’obtenir un acte de décès.

« Les lois émiraties devraient être mises en conformité avec les normes internationales en matière d’égalité des sexes et d’octroi de la citoyenneté », soutient Devin Kenney.

« Cela signifie qu’il faut rendre la transmission de la citoyenneté juridiquement égale entre les hommes et les femmes et chercher à éviter tout vide juridique qui pourrait faire tomber des personnes dans l’apatridie. »

Sofia Kaltenbrunner partage cet avis. « Il est temps de mettre fin à l’hypocrisie flagrante des lois sur la citoyenneté émiratie et de reconnaître les enfants de mères émiraties et les apatrides comme des ressortissants émiratis. »

MEE