Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a averti, jeudi 11 mars, le Conseil de sécurité qu’à défaut d’une « action immédiate », « des millions de personnes » risquent « la famine et la mort » dans le monde. « Les chocs climatiques et la pandémie de Covid-19 alimentent [cette menace] », a-t-il souligné, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur le lien entre la faim et la sécurité, en précisant que, dans une trentaine de pays, « plus de 30 millions de gens sont proches d’être déclarés en situation de famine ».
« Mon message est simple : si vous ne nourrissez pas les gens, vous alimentez les conflits », a-t-il martelé, en dénonçant la responsabilité de l’homme dans la création des famines : « La famine et la faim ne sont plus une question de manque de nourriture. Elles sont, maintenant, en grande partie fabriquées par l’homme – et j’utilise le terme délibérément », a-t-il précisé. Selon lui, « au XXIe siècle, il n’y a pas lieu d’avoir des famines ».
L’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a aussi souligné qu’il n’y avait « aucune raison de ne pas fournir de ressources aux personnes qui en ont un besoin urgent ». « Dans le monde d’aujourd’hui, la famine est causée par l’homme. Et si cela est causé par nous, cela signifie que nous devons aussi l’arrêter », a-t-elle estimé.
Au Yémen, « plus de 16 millions de personnes sont aujourd’hui confrontées à des niveaux de faim critiques, ou pire », a affirmé, de son côté, le patron du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, en précisant qu’il revenait d’un séjour dans ce pays en guerre depuis des années. « Nous nous dirigeons droit vers la plus grande famine de l’histoire moderne », a-t-il lancé, affirmant qu’« environ 400 000 enfants pourraient mourir [de faim] au Yémen cette année sans intervention urgente, soit un toutes les 75 secondes. »
Le chef de l’ONU a rappelé qu’« à la fin de 2020 plus de 88 millions de personnes souffraient de faim aiguë en raison des conflits et de l’instabilité – une augmentation de 20 % en un an ». « Les projections pour 2021 indiquent une poursuite de cette tendance effrayante », a-t-il mis en garde, en précisant que « les crises de la faim s’intensifient, se propagent dans le Sahel et la corne de l’Afrique et s’accélèrent au Soudan du Sud, au Yémen et en Afghanistan ».
« Pour éviter une catastrophe à quelque 34 millions de femmes, d’hommes, de filles et de garçons », l’ONU et ses agences ont lancé un appel à « une mobilisation urgente », visant à fournir « 5,5 milliards de dollars de ressources supplémentaires », a aussi dit Antonio Guterres.
Pour la directrice de l’ONG Oxfam International, Gabriela Bucher, la responsabilité des Etats ne s’arrête pas à des dons d’argent. Elle a dénoncé « une communauté internationale dont les Etats les plus puissants provoquent trop souvent la famine avec un approvisionnement abondant en armes ». Citant des exemples concrets au Tigré (Ethiopie), au Yémen ou en Centrafrique, elle a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de notamment « s’engager clairement à agir », d’« assurer un accès humanitaire » partout et de faire porter une « responsabilité significative » à ceux qui commettent des « crimes de famine ».
Antonio Guterres a annoncé la création au siège new-yorkais de l’ONU d’une « équipe spéciale de haut niveau sur la prévention de la famine », à laquelle contribueront des représentants du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
La coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite a lancé dimanche une opération contre les rebelles au Yémen avec des frappes notamment sur la capitale Sanaa, les premières depuis des mois, après l’interception de drones houthis, selon Riyad, sur le territoire saoudien.
Ces attaques de drones n’ont pas été revendiquées, mais l’agence officielle saoudienne SPA a accusé les rebelles houthis, qui ont multiplié les tirs contre le royaume saoudien ces dernières semaines et l’ont menacé de nouvelles attaques. Parallèlement, les rebelles ont repris leur offensive contre la ville pétrolière de Marib, dernier bastion du nord du Yémen encore aux mains des loyalistes.
L’opération militaire prend pour cible les capacités militaires des Houthis à Sanaa et dans d’autres provinces du Yémen, a indiqué dimanche la coalition, citée par SPA.
Les raids aériens ont provoqué d’énormes explosions à Sanaa, envoyant des colonnes de fumée dans le ciel, ont constaté un correspondant et un photographe de l’AFP. Les Houthis ont fait état de sept frappes aériennes sur la capitale.
Ces raids surviennent après l’annonce par la coalition de l’interception en Arabie saoudite de 12 drones lancés dimanche contre le royaume, dans ce qui constitue une escalade des attaques contre le territoire saoudien.
Selon la coalition, qui soutient militairement le gouvernement yéménite depuis 2015 dans sa guerre contre les rebelles, les drones étaient dirigés contre des cibles civiles.
Prendre les civils pour cible en Arabie saoudite est une ligne rouge, a déclaré la coalition.
Cette recrudescence des violences intervient alors que l’administration américaine de Joe Biden a exhorté les Houthis à la désescalade après les avoir retirés de la liste des organisations terroristes pour ne pas entraver selon elle l’acheminement de l’aide humanitaire au Yémen.
Le retrait des Houthis de la liste des groupes terroristes a cependant été interprété de manière hostile par la milice des Houthis, affirme la coalition, citée par SPA.
Les victoires des forces progouvernementales face aux Houthis à Marib ont poussé les rebelles à intensifier leurs attaques contre le royaume, a-t-elle ajouté.
Samedi, des sources militaires gouvernementales ont fait état d’au moins 90 combattants tués des deux côtés en 24 heures dans de violents affrontements à Marib. Les Houthis tentent d’arracher cette ville stratégique depuis un mois aux forces loyalistes soutenues par l’aviation saoudienne.
Les rebelles sont quant à eux soutenus par l’Iran, grand rival de Ryad dans la région. Téhéran dément toutefois fournir des armes aux Houthis.
Partis en 2014 de leur bastion du nord du Yémen, les rebelles ont pris le contrôle de vastes régions, dont la capitale Sanaa. Issus de l’importante minorité zaïdite, ils s’estimaient marginalisés par le gouvernement central.
Des années de bombardements n’ont pas réussi à ébranler la mainmise des Houthis sur Sanaa. La prise de Marib par les rebelles constituerait un revers cuisant pour le pouvoir et son allié saoudien.
AFP