Emirates Fuites

Les Etats-Unis menacent d’utiliser la loi César contre les Émirats arabes unis

307

Les États-Unis ont menacé les Émirats arabes unis (EAU) de sanctions imposées en vertu de l’Acte César, qui vise le régime syrien et ses alliés.

Washington a souligné qu’il s’oppose aux mesures prises par Abou Dhabi pour approcher le régime syrien, soulignant que ses sanctions contre le régime du président syrien Bachar Al-Assad pourraient viser les émirats.

Lors d’une conférence de presse, tenue mercredi, à l’occasion de l’entrée en application de la loi César, le représentant spécial des États-Unis pour l’engagement en Syrie, James Franklin Jeffrey, s’est dit mécontent des mesures entreprises par le gouvernement émirati, dans le but de relancer les relations entre Damas et Abu Dhabi.

“Le fait que le gouvernement émirati ait ré-ouvert son ambassade à Damas, et la visite organisée récemment en Syrie par le comité émirati témoignent des liaisons que les EAU entretiennent avec le régime de Bachar al-Assad”, a-t-il ajouté.

“Les EAU savent que nous refusons catégoriquement le fait que des pays entreprennent de telles initiatives… Nous avions clairement signalé que c’était une mauvaise idée”, a-il déclaré, estimant “qu’un tel acte allait à l’encontre de la loi 2254, imposée par le Conseil de sécurité internationale dans le but de mettre fin au conflit qui embarrasse la région”.

Suite à ses faits, Jeffrey a souligné : “Tous ceux qui pratiquent des activités économiques incluses dans les termes de la loi César, seront ciblés, qu’ils soient aux EAU ou dans d’autres pays”, menaçant d’utiliser la loi César contre les EAU.

Rappelons que les États-Unis avaient annoncé l’entrée en application de la loi César, mercredi 17 juin 2020, expliquant qu’elle consistait à imposer des sanctions à plus de 39 personnalités et entités liées aux autorités en Syrie, et dont l’actuel président syrien Bachar al-Assad et sa femme Asma sont en tête.

Le catalogue de mesures punitives américaines se chargera également de priver le régime syrien des revenus et des soutiens dont il bénéficie depuis 2011, et ce à cause des crimes qu’il a commis contre les civils.

Un article publié par le Middle East Institute à Washington souligne le réchauffement des relation entre les emirates arabes unis et le régime Bachar al-Assad en Syrie.

Le 2 décembre, le chargé d’affaires de l’ambassade des Émirats Arabes Unis à Damas, Abdul Hakim Al-Nuaimi, a “fait l’éloge” au régime de Bachar al-Assad en Syrie et aux relations solides qui unissent les deux pays.

Le chargé d’affaires de l’ambassade des Émirats Arabes Unis à Damas, Abdul Hakim Al-Nuaimi, a rendu hommage au régime de Bachar al-Assad en Syrie et aux relations solides qui unissent les deux pays.

C’est ce qui ressort de l’allocution du diplomate émirati à l’occasion de la 48ème Fête nationale des Emirats Arabes Unis, célébrée lundi soir à l’ambassade des Emirats à Damas, marquant un changement important dans la politique d’Abou Dhabi à l’égard du régime syrien.

Al-Naimi a expliqué que “les relations entre la Syrie et les Émirats Arabes Unis sont fortes, exceptionnelles et solides, et que les Émirats Arabes Unis souhaitent que la paix, la sécurité et la stabilité règnent dans toute la Syrie”.

Le vice-ministre des Affaires étrangères, Faiçal al-Moqdad, a déclaré lors de la cérémonie que son pays “n’oubliera pas la position des Émirats Arabes Unis dans la guerre de la Syrie contre le terrorisme”.

Samuel Ramani, chercheur spécialisé dans les affaires régionales a souligné dans une analyse publiée par le Middle East Institute à Washington que bien que la nature effusive de ces commentaires ait surpris certains observateurs internationaux, ils reflètent le réchauffement progressif des relations entre les EAU et le gouvernement Assad ces dernières années.

Le chercheur note que le premier indicateur du changement de position d’Abou Dhabi est apparu en novembre 2015 lorsque le ministre d’État des affaires étrangères des EAU, Anwar Gargash, a exprimé un soutien prudent à l’intervention militaire de la Russie au nom d’Assad.

Cette déclaration semblait initialement être un commentaire isolé, mais M. Gargash a réaffirmé l’assouplissement de la position des EAU à l’égard d’Assad en avril 2018, lorsqu’il a affirmé que la guerre civile syrienne était une lutte entre Assad et l’extrémisme islamique, et en juin 2018, lorsqu’il a déploré la décision de La Ligue Arabe de suspendre l’adhésion de la Syrie.

Le 27 décembre 2018, Abou Dhabi a ouvert son ambassade dans la capitale syrienne, après sept années de fermeture suite à la répression menée par le régime lors du déclenchement de la révolution en Syrie.

Ramani explique le changement dans la politique des EAU envers le régime syrien par trois facteurs: premièrement, les responsables émiratis craignaient qu’une prise de contrôle de la Syrie par l’opposition ne renforce les mouvements islamistes.

Alors que les EAU ont soutenu l’Armée syrienne libre (FSA) et ont suspendu leurs liens diplomatiques avec le gouvernement d’Assad, les décideurs politiques émiratis ont réduit leurs transferts d’armes aux forces rebelles syriennes et ont mis en avant les efforts humanitaires des EAU. Cela a permis aux EAU d’éviter en grande partie les accusations de soutien à l’extrémisme islamique qui ont terni les interventions de l’Arabie Saoudite, du Qatar et du Koweït en faveur de l’opposition syrienne.

En janvier 2019, le secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolai Patrushev a déclaré que son pays travaillait avec des responsables émiratis pour coopérer dans la lutte contre le terrorisme en Syrie.

Deuxièmement, les EAU estiment que le fait d’accorder une reconnaissance diplomatique à Assad pourrait convaincre la Syrie de revoir son alliance avec l’Iran.

Les EAU ont d’abord recommandé cette politique aux responsables américains en 2016, mais elle a été rejetée par l’administration du nouveau président américain Donald Trump. Abou Dhabi n’a pas réussi à convaincre Riyad de rouvrir son ambassade à Damas en 2018.

Malgré ces difficultés, les EAU ont continué à souligner qu’un État syrien serait un précieux rempart contre l’influence iranienne, même si la Syrie reste sous la direction d’Assad.

Dans une interview du 30 janvier 2019 avec Al-Hurra, Gargash a affirmé que les EAU soutenaient une “Syrie arabe, unie et souveraine”, et les EAU considèrent l’unification de la Syrie sous une autorité souveraine unique comme un obstacle à ce qu’il a décrit comme “ la liberté de mouvement de l’Iran en Syrie”.

Troisièmement, les relations EAU-Syrie se sont renforcées en raison de l’opposition partagée de Damas et d’Abu Dhabi à la politique militaire d’Ankara dans le nord de la Syrie.

En plus de fournir un soutien diplomatique au gouvernement d’Assad contre les menaces posées par l’extrémisme islamique, l’influence iranienne et l’expansionnisme turc, les EAU ont exprimé leur intérêt à investir dans un processus de reconstruction syrien dirigé par Assad.

Le 31 août, une délégation d’au moins 40 hommes d’affaires des EAU a assisté à la foire commerciale internationale de Damas.

La présence de la délégation a été controversée au sein des EAU. Abdulkhaleq Abdulla, un éminent politologue basé à Dubaï, a dénoncé l’engagement des entreprises émiraties avec le “régime boucher de Bachar”.

Bien que les hommes d’affaires émiratis qui collaborent avec le gouvernement d’Assad n’aient pas reçu de soutien officiel, la volonté des autorités des EAU de fermer les yeux sur les investissements dans l’économie syrienne pourrait créer des tensions entre Abou Dhabi et Washington.

Le 20 décembre, le président américain Trump a signé le Caesar Syria Civilian Protection Act qui impose de nouvelles sanctions aux dirigeants syriens, et si ce projet de loi est appliqué intégralement, les entreprises émiraties pourraient théoriquement devenir la cible de mesures punitives américaines.

Même si l’administration Trump choisit de renoncer à d’éventuelles sanctions contre les entités basées aux EAU au motif que les EAU sont un allié des États-Unis, les députés au Congrès pourraient mettre en avant la conduite des Émirats en Syrie en même temps qu’ils condamnent le rôle des EAU au Yémen et en Libye.